Déambulations

Photographies et pièce sonore, 1mn32, 2020

Les centres commerciaux sont construits pour nous perdre, nous faire perdre nos repères, les notions de temps et d’espace.

Suite à une errance dans la galerie marchande, des photos de plusieurs points de vue sont prises et servent ensuite à recomposer une architecture alors inventée grâce au procédé de collage. En suivant les lignes de fuite, l’image renvoie à une architecture qui s’apparente au motif du labyrinthe.

À partir de cette recréation, le récit de la déambulation fictive est écrit, lu, enregistré et diffusé dans un casque en-dessous du collage. Le spectateur peut alors suivre la perdition du sujet dans l’espace fictionnel.

je me souviens je ne me souviens pas

Rouleau de papier thermique, encre, acétone, 5.7cm x 1800 cm, 2020

L’œuvre textuelle utilisée pour la performance « je me souviens je ne me souviens pas » est réutilisée ici. Elle est imprimée sur un rouleau de papier thermique grâce à la technique du transfert.

Le papier thermique au contact de l’acétone, se grise ; l’impression est inégale, le texte est parfois lisible, parfois indéchiffrable car trop endommagé.

Le spectateur peut dérouler l’objet pour lire ou tenter de lire les souvenirs.

Cronk Crab Video

Vidéo sur téléviseur à tube cathodique, 1mn56, 2019

Joseph Cronk, diplômé de sciences environnementales et passionné d’écologie, filme sur Wake Island un bernard-l’hermite ayant pris refuge dans un crâne de poupon.

La vidéo d’environ deux minutes le montre repartir vers la mer, son habitat naturel. Cette vidéo est diffusée sur un téléviseur à tube cathodique disposé à même le sol.

Entre comique et tragique, entre documentaire, film d’horreur et vidéo artistique, la vidéo renvoie au statut hybride de l’œuvre, à l’instar de l’animal en présence.

And Asterion said Home is where the hatred is

Installation sonore pour une enceinte, boucle : 46mn47, 2019

Cette pièce est une installation sonore dans l’espace de la galerie. Les passages chantés du morceau de Gil Scott Heron Home is where the hatred is (album Pieces of a man, 1971) sont coupés au profit des interstices instrumentaux.

Les passages musicaux sont eux rallongés 14 fois, nombre symbolisant l’infini dans La Demeure d’Astérion, nouvelle de Jorge Luis Borgès, autre inspiration pour l’élaboration de la pièce sonore.

Dans cet ouvrage, une voix est rendue au Minotaure, figure mythologique vaincue lors d’un duel, dans lequel il raconte sa version de l’histoire. Le titre de la pièce lui rend également son nom et sa voix.

Cette pièce sonore interroge les questions d’espace et d’habitat ; pour Astérion le labyrinthe est un refuge qui l’isole du monde extérieur et renvoie à sa propre monstruosité : sa demeure répond à sa nature. Le lieu habité peut ne pas être le refuge recherché.

La disposition épurée dans l’espace pose des questions d’errance et de déplacement, allégories du labyrinthe, et donne à entendre des questionnements autour de(s) espace(s) – espace mental, espace intime, espace d’exposition… Le lieu d’exposition est interrogé comme refuge potentiel le temps de l’exposition.

Nuisance sonore

 Installation sonore, boucle : 1mn50, 2014

Un dispositif est mis en place, permettant l’altération du son par la lecture, par la répétition du processus d’enregistrement et l’utilisation maximale du volume sonore.

Le texte entendu est déformé par la lecture et le matériel d’enregistrement. Il est ensuite diffusé en différé dans la galerie inaccessible au public.

L’espace de la galerie est exploité comme lieu de confinement, d’étouffement, ne permettant pas une bonne écoute et une bonne compréhension du texte.

La proposition artistique déborde sur l’espace public. Le rapport du spectateur à l’espace d’exposition ainsi que son rapport à l’œuvre sont interrogés.

Seuils

Vidéo, 39s, 2020 Diffusion Instagram,  zoonosisproject

Seuils est une vidéo produite pour le projet zoonosisproject pendant le confinement d’avril 2020.

Le projet est de produire une œuvre en 24h et de la diffuser sur instagram. Des vidéos de plusieurs fenêtres vues depuis l’appartement parisien de confinement sont filmées et recomposées dans un montage jouant sur les superpositions. la fenêtre en tant qu’allégorie entre l’intérieur et l’extérieur est ainsi travaillée.

L’architecture est recomposée, son rôle protecteur est renforcé, nouvelle peau, pores, première barrière physique contenant le vivant.

série Sans-titre

Série d’autofilmages, de 00mn59 à 10mn26, vidéo et son, 2011-2013

« Lucie se méfie de la capacité du langage à dire le réel, à l’instar de l’écrivain Samuel Beckett, qui, dans une lettre à Axel Kaun, se demandait pourquoi la surface matérielle des mots ne pouvait être dissoute afin qu’on ne perçoive plus qu’un chemin de sons suspendus.

Elle recherche l’«en-deça», le verso de ce voile qui constitue la langue, en travaillant les dimensions matérielles, sonore, ou formelle des mots, en expérimentant leur relation au corps et plus spécifiquement à la bouche, cet espace liminal qui conditionne leur affleurement.

Dans une suite de mots réalisées sous forme d’autoportraits ; l’artiste s’engage chaque fois dans une lecture ou une récitation (définition, énoncé de l’alphabet…) alors que sa bouche est obstruée par un corps étranger (encre, poing, cailloux…) empêchant ainsi l’émergence d’une parole intègre et intelligible.

Si la nature des textes prononcés implique un lien indicatif à la question même de langage, leur contenu convoque par analogie les objets qui entravent la verbalisation. Insistant sur les incapacités réciproques du verbe et de l’image, et leur relation problématique au réel, Lucie Béguin active dans le champ artistique les pensées de Lacan, Benjamin ou Deligny.

En éprouvant le langage, ou plus exactement ses limites, représentées ici par son obstruction, sa modification ou sa dégradation, elle questionne l’exclusivité du discours en tant que cadre déterminant notre relation au monde. »

Edouard Monnet et Ian Simms, texte paru dans le semaine 05.14 Future Shock

je me souviens je ne me souviens pas

Performance, 2020, une exposition de Kind of Kin, performance à L’Autre Lieu – Anis Gras – Arcueil, 2020

Comment échapper à la loi de la production/consommation qui se joue autour de la galerie
L’Autre Lieu, située dans le centre commercial de la Vache Noire à Arcueil ?
C’est en cherchant une respiration, une alternative à ce système que je créé la performance « je me souviens je ne me souviens pas » ; le rouleau de TPE sur lequel s’imprime les tickets de caisse est détourné. Au dos du rouleau, j’ai écrit à la main des souvenirs encore très présents et d’autres qui s’effacent malgré l’effort de mémoire, d’une personne chère aujourd’hui disparue.

Le texte est une longue suite de souvenirs sans ponctuations, ou de tentatives de souvenirs pour retrouver cette personne dont les contours s’effacent avec le temps. Le rouleau est mis à sa place, dans la machine de la boulangerie qui jouxte la galerie, et chaque personne venue consommer enfouira dans sa poche un morceau du poème, un morceau de souvenir.

Table Matters #2

Performance environ 1h30, réalisée à l’espace culturel Albert Camus – La Tomate, La Valette du Var, 2012

Table Matters #1

Performance environ 1h30, réalisée à la galerie Parker’s Box, New York, 2012

Dans cette performance, le spectateur est entièrement impliqué, il fait partie intégrante de l’action.

Réalisée à plusieurs, elle nécessite des spectateurs-acteurs, composés de complices et du public présent dans le lieu.

Le titre de la pièce est un jeu de mot en anglais, qui signifie « les affaires de la table » ou encore « ce qui est important c’est la table ». Je reprends les codes des banquets philosophiques et les transforme pour établir de nouvelles règles.

Les quatre étapes traditionnelles du banquet ne se déroulent pas successivement mais ont lieu dans un même temps et sur une même table (le divertissement, l’ingurgitation des vivres, la circulation du vin et enfin la circulation de la parole). Tout se déroule autour de l’objet, de la préparation du repas jusqu’au divertissement, dans une même temporalité.

C’est la notion de circulation qui m’importe et c’est cette recherche qui détermine l’installation du projet lors de sa présentation. Je tente d’évacuer la hiérarchisation produite par le déroulé originel ; hiérarchisation entre les différentes étapes du repas, où le chant, la danse, la nourriture sont moins importants que la parole. Hiérarchisation aussi entre les convives : l’hôte qui reçoit n’a pas la même place que l’invité d’honneur ou les autres convives présents.

La circulation autour de la table est alors un élément essentiel qui permet d’évacuer cette hiérarchisation puisque le rôle de chaque convive est déterminé par la place qu’il occupe autour de la table.

Chaque complice doit remplir alors un rôle déterminé au départ, écrit sur une partition. Cependant ces partitions écrites sont des partitions ouvertes qui laissent les complices improviser à loisir.

48.887669, 2.359742

Série de neuf dessins, 17cm x 25cm, papier, stylo noir, 2019

48.887669, 2.359742 est une série de dessins au stylo Bic, de petit format et sur papier fin, créés à la suite d’un déplacement dans l’espace public.

La recherche de terrains vagues et de constructions abandonnées donne lieu à des photographies de ces endroits et des murs autour de ces espaces en jachère.

Ces photographies sont ensuite reproduites par superposition grâce à la lumière et à la finesse du papier ici utilisé comme un calque, avec des jeux d’omission et de remplissage.

Cette pièce propose un regard sensible sur l’architecture en creux, construite, imaginaire ou encore fantomatique.

Le choix de certaines lignes de force ou de fuite laisse le spectateur libre de reconstruire ses propres architectures hybrides, à partir de souvenirs, de composer ou recomposer des architectures entre nostalgie d’espaces vides, espoirs de refuges à reconstruire ; entre espace public et espace intime.

Chambre obscure

Photographie numérique couleur, 24cm x 30cm, 2021

La camera obscura est un dispositif qui permet d’obtenir à l’intérieur d’une boîte une image réduite et inversée d’un panorama ou d’objets éclairés.

Ce procédé optique est l’ancêtre de la photographie puisqu’en plaçant un papier photosensible sur la surface plane opposée au panorama à l’intérieur de la boîte, on peut obtenir un sténopé.

Ce procédé a également été utilisé par des maîtres de la peinture comme Canaletto ou Vermeer pour reproduire un décor ou une scène d’intérieur. J’utilise cette technique dans la seule pièce de mon appartement pour reproduire la vue de la seule fenêtre qui laisse entrer la lumière.

En obstruant la totalité de la vitre et ne laissant passer les rayons lumineux de l’extérieur que par un cercle, j’obtiens l’image des toits de zinc et d’argile noire de Paris.

L’utilisation d’un objectif me permet de l’insérer dans un tondo. Les questions techniques du médium comme la prise de vue ou encore la mise au point sont évacuées. Le paysage se trouve diminué et enfermé dans un cercle au milieu d’une obscurité profonde et infinie, obscurité de la pièce au moment de l’élaboration de l’image, et obscurité rendue sur l’image elle même.

Je me place ici dans le ventre de l’appareil photographique ; je cherche à aborder les questions de perception du réel, d’enfermement et de distanciation. Je créé une image mentale et un sentiment d’isolement à partir d’une réalité distordue

Flashback

Série de six photogrammes, tirages sur papier argentique, 24cm x 30 cm, 2014

Photographie argentique baryté, 24cm x 30cm, 2021

« Cette démarche protocolaire et intentionnellement réflexive se manifeste encore dans un autre ensemble de pièces qui a pour objet les notions distinctes mais croisées de « trace », d’« empreinte » [cette pièce] est élaborée à partir des moyens de la photographie, dont on fait un usage extravagant en la circonstance.
En posant un appareil photo sur une feuille de papier argentique, puis en déclenchant le flash, Lucie Béguin réalise une série de photogrammes qui prennent le procédé à rebrousse-poil. L’appareil, au lieu de capter, est «imprimé » à diverses reprises sur le papier sensible ensuite révélé selon une méthode qui entraîne l’altération progressive de l’image. »

#4 Boire - Infini'tif

Création Lucie Béguin et Vivi Korkmaz pendant le festival Utopies Sonores 2023

Contre-Performant

 Performance sonore diffusée le 18 décembre 2020 sur la radio P-Node

«Mais que font donc les performeurs quand ils sont confinés ? Surtout que ça dure pour la culture, au point qu’on ne sait plus trop quand ça va s’arrêter…
Alors comme avec Sandrine, Yassine et Mathieu on ne peut pas faire des performances ensemble dans le réel, et que l’oralité fait partie des choses qu’on aime bien faire, on s’est dit qu’on pourrait se raconter des performances que l’on n’a pas pu faire. En écoutant nos propositions, nous avons tout de suite eu envie d’en entendre plus, de faire vivre des univers variés et nous avons lancé l’invitation à d’autres artistes dont le point commun est l’exploration de l’art action.»

Yassine Boussaadoun

L’audiodescription est un procédé qui permet de faire entendre une œuvre visuelle entre les dialogues pour les non-voyants et les malvoyants. C’est la traduction d’une œuvre artistique, celui du ou de la metteur.re en scène ou réalisateur.trice ; c’est également un geste poétique, un geste plastique à part entière et la lecture en direct le soir de la représentation est une performance.
Ici ce sont les premières minutes d’une pièce de théâtre nommée Buster, créée par Mathieu Bauer et Sylvain Cartigny qui sont audiodécrites. Ces premières minutes qui font écho à tout l’enjeu de l’audiodescription : l’écriture en creux.

Un souffle rauque traverse ma mémoire chaque fois que le monde se tait

Pièce sonore, 30 mn05, 2020

Dans le cadre d’une exploration autour de la problématique du langage et de la parole, je me glisse dans le rôle d’une souffleuse de théâtre.

Anciennement répétitrice et souffleuse du comédien principal d’une pièce mise en scène par Phillippe Berling, j’utilise ce poste comme point de départ pour nourrir ma réflexion et partir à la recherche du discours en creux. La voix, la parole, la valeur du dialogue, les silences et la mémoire trouvent un nouveau contexte à travers l’envers, les rouages, les impératifs d’une pièce de théâtre.

Le médium sonore m’apparaît alors comme une évidence. Soir après soir, au fil des représentations, je m’enregistre en régie pour collecter un précieux matériau servant à l’élaboration de cette installation sonore en devenir.

Dans l’obscurité du local technique, mon souffle, les pages, une toux, un bruissement, des bribes de dialogues, parfois neutres, chuchotements…

Le titre, « Un souffle rauque traverse ma mémoire chaque fois que le monde se tait. », est une phrase diffusée dans les hauts parleurs durant les premières minutes du spectacle.

Sept enregistrements

pièce sonore, boucle : 2mn07, 2013

« Lucie Béguin […] poursuit la réflexion entreprise à l’égard du langage, ici détaché de sa correspondance à l’image. [cette pièce] consiste en la transmission sonore d’une même phrase ayant subi une succession de captations et de diffusions, jusqu’à nous parvenir au seuil de l’audible et du compréhensible. »

Edouard Monnet et Ian Simms, texte paru dans le Semaine 05.14 FUTURE SHOCK